La grenade du stress a éclaté. Et son cortège d'actions_vitrines : pourquoi seules les entreprises de + de 1000 salariés devraient-elles pointer leur curseur sur lui; et toutes les autres alors? Celles où travaillent la majorité de la population active? Bref. C'est déjà un pas. Mais restons bien plantés et avec les idées claires car "pour combattre ces maux, la bataille fait rage. D'un côté, les adeptes de la gestion individuelle du stress veulent développer la capacité de chaque salarié à faire face. Pour eux, le mal-être émane de situations individuelles. De l'autre, les partisans des transformations organisationnelles estiment que l'entreprise doit réduire les contraintes pour ses collaborateurs. A leurs yeux, le risque est collectif et prend sa source dans l'organisation du travail." Faut-il trancher nécessairement? Oui et non. Il me semble nécessaire d'attaquer le problème à sa source via une approche collective versus revoir l'organisation et sa stratégie et aussi; versus gestion individualisée car chaque salarié-e est impacté-e plus ou moins directement et fortement car toujours subjectivement par ce paradigme extérieur bien concret auquel il se trouve confronté : son environnement de travail au sens large. Tout est donc encore une fois lié et relié. Ne gaspillons pas notre énergie dans ces querelles d'approche aux enjeux dépassant sans doute aussi le "purement théorique" et tendons vers un dispositif de diagnostic certes affiné mais aussi transversal pour apporter un mode résolutoire complet prenant l'ensemble des paramètres en compte. Je sens que vous êtes d'accord. Continuons, voulez vous?! Oui!



Lutte contre le stress : les entreprises sous pression

[ 02/02/10  Les Echos   ]

Les sociétés de plus de 1.000 personnes devaient avoir entamé des négociations sur le stress avant le 1 er  février. Mais le choix des armes pour lutter contre les risques psychosociaux fait débat.

L'échéance est tombée hier. Sous peine de voir leurs noms livrés en pâture à l'opinion publique, les entreprises de plus de 1.000 salariés devaient avoir engagé des négociations sur le stress avant le 1er février. C'est une mesure phare du plan d'urgence lancé début octobre par le ministre du Travail, Xavier Darcos, suite à la vague de suicides qui a frappé France Télécom. Le gouvernement devrait établir un premier bilan des bons et des mauvais élèves à la mi-février. Ainsi, le sujet est sur la table de 2.500 grandes entreprises. Toutefois, ces accords suffiront-ils à faire reculer le stress ? Pas sûr. « Pour se mettre en conformité dans un délai aussi court, la tentation est grande d'inclure, dans les accords, des actions visibles, qui ont de l'allure, mais qui n'ont d'impact que sur le court terme », estime Marc Banet, expert en prévention des risques psychosociaux au sein de l'association Entreprise & Personnel.
Avec quelles armes, alors, les entreprises doivent-elles lutter contre ce qui semble être le mal du siècle ? A lui seul, le stress aurait coûté entre 1,9 et 3 milliards d'euros en 2007, selon une étude menée par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et l'école d'ingénieurs Arts et Métiers ParisTech. Or ces dépenses, liées aux soins, à l'absentéisme, aux cessations d'activité et aux décès prématurés, auraient été calculées a minima, car l'étude n'a tenu compte que des pathologies les plus couramment observées, comme la dépression, les maladies cardio-vasculaires ou certains troubles musculo-squelettiques.

Gestion individuelle

Pour combattre ces maux, la bataille fait rage. D'un côté, les adeptes de la gestion individuelle du stress veulent développer la capacité de chaque salarié à faire face. Pour eux, le mal-être émane de situations individuelles. De l'autre, les partisans des transformations organisationnelles estiment que l'entreprise doit réduire les contraintes pour ses collaborateurs. A leurs yeux, le risque est collectif et prend sa source dans l'organisation du travail.
« Aujourd'hui, la gestion individuelle du stress prédomine », constate Valérie Langevin, psychologue du travail à l'INRS. Avec, à la clef, des cellules de soutien psychologique, des numéros verts… et une offre florissante de « tickets psy », de séances de shiatsu ou de logiciels de relaxation pour que chaque salarié prenne sa santé en main. Et, selon le syndicaliste Bernard Salengro, ce n'est pas un hasard : « Ces mesures donnent aux entreprises l'impression d'avancer et ne les rendent pa s fautives, explique le secrétaire national de la CFE-CGC, en charge de la santé au travail. Beaucoup jugent que les salariés doivent s'adapter à un environnement de travail délétère et prétextent leur impuissance dans un contexte de concurrence et de mondialisation. Or, il faut au contraire changer les règles du jeu. »
Pas si simple, rétorque le consultant Eric Albert (chroniqueur aux « Echos ») : « Il faut rester pragmatique. Ce qui compte est d'être efficace à court terme, face aux salariés qui souffrent le plus, estime ce dernier, qui préside l'Institut français contre le stress. Et l'idée selon laquelle une vaste réforme organisationnelle peut tout résoudre est abstraite et déconnectée de la réalité de l'entreprise. »
Les méthodes s'affrontent aussi sur le terrain. «  Notre objectif n'est pas de faire de la régulation sociale, mais de favoriser des fonctionnements qui préservent l'état psychologique des salariés », déclare Patrick Lègeron, psychiatre et patron du cabinet Stimulus. Il prône, notamment, de transformer les managers de proximité en « gestionnaires du risque psycho-social dans leur environnement immédiat ». A charge pour eux, par exemple, de repérer les salariés qui vont mal.
Une tendance qui inquiète Henri Forest, à la CFDT : « L'intention est peut-être louable, mais cela met les managers en difficulté… D'autre part, l'approche ne remet pas en cause, par exemple, l'évaluation individualisée des performances qui met les salariés en compétition, les isolent et déstructurent les collectifs de travail. »

Démarche collective

A l'opposé de Stimulus, le cabinet Secafi (groupe Alpha) défend « une démarche plus collective, qui interroge l'organisation du travail, la culture managériale, la stratégie de l'entreprise, raconte François Cochet, directeur des activités Santé au travail chez Secafi. En termes de prévention, c'est faire fausse route que de se polariser sur la recherche de personnes fragiles » Parmi ses recommandations aux sociétés clientes : débattre sur le travail, instaurer des tutorats, agir sur le bruit ou l'éclairage, mieux prendre en compte les compétences, réorganiser les bureaux… « Ce ne sont pas les salariés qui sont malades, mais le travail », renchérit Françoise Mesnard, médecin du travail dans les Deux-Sèvres, qui préconise de prendre le problème à la racine. Quitte à élargir le débat aux enjeux psychiques du travail, à son utilité sociale et aux conflits éthiques qu'il induit, suggère la consultante Anne Flottès. Car nombre de salariés peinent à faire un travail de qualité dans lequel ils se reconnaissent.

Conditions de travail à revoir

Toutefois, repenser l'organisation du travail est une tâche complexe. Le cas de Renault en témoigne. Le 21 janvier, un prérapport du cabinet Technologia a révélé que le pourcentage d'ingénieurs Renault en« situation de travail tendu » a chuté de 31 % à 27 % depuis 2007. Il note aussi une amélioration de leur autonomie, une réduction de la charge de travail et une baisse des contraintes de l'activité. Pourtant, en octobre, un collaborateur du Technocentre de Guyancourt s'est donné la mort, trois ans après une série de suicides impliquant d'autres employés du site. « Chaque drame est de trop, commente Jean-Claude Delgènes, directeur général de Technologia. Mais faire de la prévention en réduisant les risques professionnels ne donne pas des résultats en un jour. »
C'est là que le bât blesse. Car s'attaquer aux organisations prend du temps. « Ce sont des projets à quatre ou cinq ans, estime Marc Banet. Ils impliquent d'analyser les causes du stress et d'apporter des solutions qui ne peuvent pas être toutes faites, et qui modifient des modes de gestion en vigueur depuis de longues années. »
En attendant, les entreprises se ruent sur les baromètres. A l'instar de PSA ou de la Caisse nationale des Caisses d'Epargne, dont les accords créent, entre autres, des dispositifs d'évaluation et de suivi du stress. Pour Philippe Douillet, au sein de l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail), les employeurs ont certes besoin de diagnostics. Mais ils doivent rester vigilants : « Le stress a une dimension subjective, contrairement au bruit dont on sait que l'exposition au-delà d'un niveau de décibels rend sourd », déclare-t-il. Les dérives guettent. « Ces évaluations mesurent l'acceptable et l'inacceptable. Elles cantonnent les employeurs à une gestion ponctuelle des crises », déplore Serge Dufour, du cabinet Emergences. L'INRS entend mettre son poids dans la balance : il publiera, au printemps, un guide pratique pour aider les entreprises à se repérer dans le maquis des consultants et à adopter une prévention axée sur les conditions de travail.
NATHALIE QUÉRUEL, Les Echos

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